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9 avril 2018 1 09 /04 /avril /2018 07:47
 École hôtelière de Lausanne, Domaine de Cadablès sur un nuage...
 École hôtelière de Lausanne, Domaine de Cadablès sur un nuage...
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 École hôtelière de Lausanne, Domaine de Cadablès sur un nuage...
 École hôtelière de Lausanne, Domaine de Cadablès sur un nuage...

 

 

Ce jour là justement, pas un nuage à l'horizon. Ciel bleu et anticyclone sur le Léman. Le mont Blanc paradait, les cygnes du lac voletaient, Genève lové à l'autre bout avait de faux airs d'Italie tant le ciel azur de cet automne 2014 prenait des allures paradoxales.

 

Nous tremblions un peu malgré la douceur. Le trac, une petite boule imperceptible au niveau de l'estomac malgré la joie d’être reçu cet après midi là, à l’école Hôtelière, pour une visite, une dégustation de vins Suisse et, à ne pas y croire, une dégustation de nos vins, une dégustation de Cadablès, sur deux millésimes. Dans l'attente nous regardions, Christine, Alice et moi les canards du lac et nous leurs jetions de petits bouts restant de notre pique nique bucolique en imaginant l’accueil qui allait nous être réservé.

 

En toutes circonstances : rester soit même. Je tourne la clef dans le contact, c'est parti, on verra bien, et puis nous sommes des gens libre, des vignerons. Après tout, pourquoi pas ?

 

Le tête haute et le pas fier nous pénétrâmes dans l’alcôve reçu par un sourire avenant, chaleureux, pour une visite des lieux qui eurent vite fait de nous impressionner. De couloirs en classes, de la cuisine hyper moderne à la cave tempérée, du restaurant gastronomique jusqu'à la salle de dégustation où nous attendait un groupe de sommeliers, professeurs, directeur. Tout cela réglé comme une horloge. Serrage de mains de circonstance avant de sortir d'un sac à dos nos flacons sous l’œil bienveillant de notre hôte.

 

En toute circonstance : rester soi même. C'est le meilleur moyen de ne pas se trahir.

 

Puis les vins Suisse défilèrent sous nos papilles excités et chacun, dès le troisième vin, allant de ses commentaires à la recherche des qualités intrinsèques de chaque cépage, de chaque assemblage et c 'est dans une joie mesurée qu'il fut question que nous parlions de nos vins.

 

Nous nous lançâmes, ragaillardis par les libations des jus de nos confrères Helvétiques, redevenus nous mêmes, et racontant à l'assemblée nos mérites agricoles, nos façons d'exister, de cultiver, de vinifier, de respecter, d’envisager, de rêver, de faire, de défaire et de remettre à l'enclume nos postures...

 

En plein discours une pensée me traversa l'esprit, " in vino veritas", mais que vont donner les vins, le transport ne les aura t il pas altéré ? Et cette roue des pensées pernicieuses qui se mis à tourner, à tourner lorsque j'entendis , assez clairement d’ailleurs :

 

-" Très bien, très bien, passons à la dégustation de vos vins".

 

Toujours pas de nuage à l'horizon.

 

D'un geste rapide et voulu discret je me sers le premier verre de notre propre vin et Christine, plus délicate, sert nos dégustateurs. Le nez plongé dans mon verre une olfaction magnifique rebondit alors dans mon appendice nasal, une ouverture propice, une ampleur profonde s’élevait de mon verre. Nos vins ne nous laissaient pas tomber, ne nous laissaient pas seul. Ils étaient grands ce jour là, à l'heure H. C'est beau la solidarité.

 

Le Cadablès goûtait ce jour précis idéalement, aidait certainement par l'altitude et le climat. Pas de faux pas, toujours pas de nuage. Le vin roulait dans les palais avec ce son si caractéristique que seuls les professionnels maîtrisent et, lorsque le premier dégustateur posa son verre, nous, suspendu à ses lèvres, après quelques secondes, très mesuré, il déclara :

 

-" ce vin est trop bon, je ne le crache pas ".

 

S'ensuivirent quelques douceur pour nos oreilles de vignerons et c'est ainsi que nous rentrâmes à l’École hôtelière de Lausanne tout fier du travail accompli, de la route parcouru.

 

Pendant ce temps Alice se morfondait dans son coin, souriant de temps à autre poliment, ininterressait par nos adultes discussions et je finis par conclure que nous faisions du vin pour " donner le sourire aux jolies filles". Il fallait bien terminer sur une note facétieuse mais si pleine de vérité.

 

Et le nuage arriva. Trois ans plus tard. Le cloud.

 

La complexité évidente de nos vins poussa nos amis Suisse à les étudier plus avant pour en déterminer la profondeur, la tessiture, la vérité, l'originalité, les émotions et les impressions que ceci pouvaient donner. Pour ce faire plus de deux cent étudiants guidés par leur mentor goûtèrent régulièrement nos vins durant trois ans. Non pas de manière ludique car nous sommes dans une université mais de façon quasi professionnelle car leur impression furent compilés dans un logiciel mis au point, tout spécialement pour l'occasion, par leur professeur. Cadablès au centre d'une étude avec ses vins passés à la moulinette informatique sur un panel de dégustateur mondiaux afin d'en sortir : un nuage !

 

 

Nous y revoilà.

 

Un " nuage de mot" selon les impressions classés en récurrence, selon les émotions rangés en pertinence, selon les subjectivités de chacun le logiciel, mis au point à Lausanne, tri, range, corrige parfois, rectifie, guide dans une base de données de plus de 3000 mots inhérents à la dégustation.

 

Le cloud naquit de trois ans de travail assidu et voici que viennent de sortir les résultats d'une dégustation, à l'aveugle, du premier groupe de 120 étudiants francophones. Vont suivre les résultats Anglo-saxons. Nous allons bientôt savoir ce que le vaste monde pense de notre travail. C'est presque étourdissant.

 

Mais pour l'heure, qu'en disent ils ces jeunes gens formés à diriger, à manager, à organiser, les établissements les plus prestigieux de la planète ? Ne sont ils pas trop formatés ? Ah, pardon, il ne connaissent pas la provenance des vins, tout ceci est fait à l'aveugle, seul, devant un verre, face à leur propres connaissances, à leur propre culture, sans qu’interviennent quelques forces obscures, que ne remontent de leur inconscient quelques messages subliminaux laissés traîner par les uns, par les autres. Une heure de vérité sur notre travail, sur nos méthodes, sur nos idées.

 

La procédure est la suivante : les étudiants remplissent un formulaire libre de dégustation via internet (google form), ce document est anonyme (les étudiants reçoivent un numéro d’identifiant en début de séance). Ils décrivent les vins en respectant juste les phases de dégustation. Dégustation à l’aveugle, le vin a également un numéro d’identifiant.

 

L’ensemble des formulaires se retrouvent ensuite sur un fichier commun servant de base de donnée. Dans cette base de donnée, en parallèle, il y a environ 3000 mots (certains sont parfois en double ou en triple) qui correspondent à des termes qui peuvent être utilisés en dégustation pour caractériser par exemple l’acidité, les tanins…). Le logiciel trie ensuite les mots des étudiants en ne prenant en compte que les mots rentrés dans la base de  donnée.

S'affichent ensuite les nuages de mots correspondant à la séance et cela ouvre une discussion au sujet des impressions entre les profs et les étudiants. On peut éventuellement discriminer en visualisant la dégustation par nationalité, âge, sexe…


 

Deux vins au ban. Chemin à l'envers et champ de pierres. Bouche, nez, conclusion, radar sont les intitulés des résultats sous forme de nuage, sous forme de graphique. Très sérieux tout cela. Et voici, dans le fracas d'un roulement de tambour, les images :

 École hôtelière de Lausanne, Domaine de Cadablès sur un nuage...
 École hôtelière de Lausanne, Domaine de Cadablès sur un nuage...
 École hôtelière de Lausanne, Domaine de Cadablès sur un nuage...
 École hôtelière de Lausanne, Domaine de Cadablès sur un nuage...
 École hôtelière de Lausanne, Domaine de Cadablès sur un nuage...
 École hôtelière de Lausanne, Domaine de Cadablès sur un nuage...
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 École hôtelière de Lausanne, Domaine de Cadablès sur un nuage...
 École hôtelière de Lausanne, Domaine de Cadablès sur un nuage...
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 École hôtelière de Lausanne, Domaine de Cadablès sur un nuage...
 École hôtelière de Lausanne, Domaine de Cadablès sur un nuage...
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Comme une pluie bienfaitrice, de ces nuages où les mots s'emmêlent ressort une diversité, une complexité, certainement une profondeur. Reflets de vin de terroir les nuages montrent à quel point, à l'aune des palais francophone, s'exprime dans nos vins la diversité des couches successives de notre tomographie locale, à coup sur de nos méthodes culturales et, pourquoi pas de notre passion transmise. Ce liquide est tellement mystérieux que l'on doit bien, y donner, même implicitement, un peu de notre âme, un peu de notre amour.

 

Souvent revient le terme " acide, acidité" qui dans l'esprit de nos étudiants reflète surtout la minéralité, la buvabilité. Ainsi ils ne vivent pas l'acidité comme un défaut mais comme une minéralité prégnante. Devront ils, dans l'avenir, se méfier de se terme connotant parfois péjorativement ou bien est il question d'apprentissage, de culture ...

 

Les mots, les mots, les mots parfois surprenant nous renvoient à nous même, à ce que nous pensions de nos vins. Ainsi le champ de pierres plus sombre, plus long, plus difficile d’accès et le chemin à l'envers plus consensuel car la syrah y donne la droiture. Le champ concentré , plus extré à la vinification, plus travaillé vers le fond et le chemin, déjà complexe, mais plus tourné vers l’extérieur a des airs de facilité qui peuvent devenir rapidement factice.

 

Nous aimons à dire que nos vins se boivent sans réfléchir, presque d'un trait, pour sceller un moment en accord majeur méditerranéen lorsque l'alchimie entre le buveur, le plat et le vin se réalise et que l'instant devient unique. N’est ce pas cela le but de la manœuvre ? Donner du plaisir pour raccrocher à sa mémoire des instants de vie, des rencontres, des crépitements de l’âme, des rires enjoués, des projets plein la gueule. Le vin est le reflet de son buveur et va chercher les jours de griserie la sensibilité profonde de chacun si tant est qu'il soit assez fin pour cela.

 

A regarder, la tête en l'air, des nuages, redescendent aussi des surprises ( bas, haut, j'aime pas, sucre... ) étonnante mais lié à la sensibilité de chacun.

 

 

Devons nous plaire à tous ? Certainement pas. Alors qu'un, aime, l'autre, rebute. Alors qu'un " bas " blesse, un " haut" rassure. Alors qu’analytiquement, il n'y en a point, certain ressentent le sucre que nous pourchassons à longueur de vinif. C'est curieux l’être humain, c'est jamais d'accord mais c'est rassurant de diversité.

 

 

Chacun pourra commenter en comparant les nuages à sa propre sensibilité. Chacun pourra, de ces nuages, trouver un sens, chercher, fouiller, se retrouver dans le brouillard ou y voir une éclaircie pour se rendre compte au final, en ouvrant une bouteille de Cadablès, qu'on entre dans un monde de diversité, de complexité, d'échange, d'humain.

Qu' il s'agit là, d'une culture. D'une culture qui va vers l'autre les bras ouverts pour échanger, pour embrasser.

 

Et puis à quoi bon expliquer. Buvons.

 

 

 

 

 

________________________________________________

 

Ps : Merci à Gildas L'HOSTIS Senior Lecturer - EHL - pour la réalisation de cette étude, pour son aide, pour sa confiance et sa bienveillance.

 

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commentaires

B
Merci Catherine. Même si parfois on a l'impression de lutter contre des moulins à vents, tellement il faut donner dans ce metier, notre parcours reste émaillé de petite réussite qui nous donne du baume au coeur. Il en faut pour ne pas laisser prise à la désespérance car dans ce métier, si l'on ne ment pas, finalemment si l'on est juste et honnête, on est en prise de risque permanente et cela est très risqué de jouer dans une cour des manipulateurs. Alors de temps à autre les compliments renforcent et font garder le cap. A bientôt ici ou là. Peut être ici d'ailleurs.
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C
Bravo à tous les deux, vous le méritez amplement, vos vins sont superbes, et le capital sympathie que vous représentez a dû contribuer à votre reconnaissance !
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B
La tête bien faite, des vins superbes. Le domaine Cadables sur un nuage. Plus que mérité. @mitiés
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