Même les cartes météo des journaux télévisés ont foncé ces dernières années pour bien nous montrer que le soleil tape dru et de plus en plus dur. Tous s’y sont mis pour nous asséner, à grand coup de changement climatique que l'Armageddon était proche, que le cataclysme nous guettait tapis dans l’ombre en faisant vendre, du coup, à bon compte du papier numérisé. Nous guettait la grande claque pourvoyeuse de clic, la catastrophe imminente synonyme de repli sur soi, la peur aux trousses, la mort dans l’âme, la servilité servie sur un plateau.
Et c’était sans compter sur cet été complotiste en languedoc venu rabattre les cartes. Non pas qu’il soit mauvais comme ailleurs du reste, mais il alterne les semaines chaudes, les orages, les quasi rafraîchissements, le vent parfois pour nous donner une sensation de tranquillité estivale qui nous fait oublier les canicules passées.
La canicule, ici, en 23 ? Disparue, évanouie, évaporée. Seule une belle chaleur méditerranéenne corollaire d’un été normal vient transpercer les persiennes de nos siestes alanguis. Je me demande si l’été n’est pas devenu complotiste en contredisant les prédictions des plus grands scientifiques - on est au pays des Cathares. C’est vrai que l’on manque toutefois d'un peu d’eau, même beaucoup mais la chaleur parfois omniprésente est, cette année, dans notre cher Midi, dosée suffisamment.
Tout est question d'équilibre !
Les pluies de début d’été n’ont certes pas compensées les déficits d’hiver et les assauts solaires modérés, ponctués de quelques passages nuageux ont toutefois atténué la brûlure de l’astre solaire. Bien que résilientes les vignes ont un peu de mal, ça souffre, ça résiste et un orage providentiel augurerait d’une meilleure récolte. Pour l’heure plus préoccupés de repos, que de changements climatiques nous remisons à demain les conséquences de la saison. Une vendange se juge le jour de la vendange et les prédictions ne sont que projections car la nature, se dejouant un peu de l’homme, de sa prétention à tout contrôler, prend un malin plaisir à nous faire mentir. C’est une bonne et saine chose de regarder au sol pour mieux projeter son esprit vers les nuages. Inch'allah comme disent les Suédois.
L’été allonge nos postures au bord de la piscine et nous vaquons par-ci, par là à un tourisme local revigorant une paire de jours les semaines creuses et profitons pour rendre d’amicales visites à nos buveurs. Et la vie de vigneron va ainsi les étés lorsque les dés sont jetés à la vigne et que nos interventions seraient néfastes à la récolte... Finis depuis longtemps les traitements, les rognages, les binages, on ne touche plus rien, on fait confiance et l’on ne vient pas tenter de contrebalancer les choses naturelles en artificialisant dans la prétention de vouloir contrôler. Finalement l’agriculture biologique et agro écologique est une école d’humilité, d’acceptation, d’adaptation... Le reste n’est que complot, malversation, interventionnisme dément pour soigner des fléaux qui pourraient s’équilibrer naturellement. En fait il faut tout simplement mesurer ses récoltes, voire réduire ses rendements pour faire fi de toxiques intrants, de l’arrosage égoïste et arrogant et tutti quanti.
En dehors de nos flâneries, de nos méditations estivales que le soleil dilate l’activité à la cave n’est pas réduite à la portion congrue. Nous recevons, dégustons, mettons en bouteilles, remisons, accueillons les bras ouverts, le verre tendu, la langue pendue à l’oreille attentive de nos visiteurs. Que se soit en voyage ou ici, sans cesse, nous évoquons nos absolus, échangeons sur nos façons, nos postures fidèles à nos engagements biologiques. Pèlerins de notre agriculture nous vous la racontons comme nous la vivons, la découvrons au jour le jour... Elle vient du fond de nos passions comme un atavisme que nous écoutons en artiste de l’existence. Nous avons depuis longtemps laissé la raison aux vestiaires du raisonnable pour laisser en écho vibrer nos cœurs à l’unisson de nos inspirations. Ce risque est devenu bonheur au quotidien et pouvons désormais le laisser croître à l’ombre de nos révolutions.
Tous ces mots enchevêtrés ne sont évidemment pas à lire à un degré basique qui opposerait les uns, les autres lorsqu'ils se veulent bienveillants, unificateurs et évoquent une agriculture séculaire qui renaît à Cadablès sous les coups de butoirs de notre travail depuis bientôt vingt ans. Le site protégé, à l'écart, a toujours augurait d’ une agriculture de qualité tant sa particularité, sa géographie, sa géologie, sa situation lui donne une aura poétique et unique... Ici se raconte une ’’simplicité complexe". Paradoxe inhérent aux lieux qui ont vécu et qui ne dévoilent leur histoire secrète qu’au fil de la patience. C’est un endroit rural, patrimonial, d’échanges, de rencontres, de bienveillance et nul ne pourra déroger ici à cette loi. Ce lieu : Nous l’avons trouvé, il nous à trouvé, on ne sait plus exactement tant les choses se firent dans une conquête excessive. Il fallait à l’époque relever le défi de notre enthousiasme et nous avons acquis de haute lutte le lieu de nos élucubrations biologiques en prenant tous les risques. Désormais nous le partageons pour en être mieux récompensés et c’est peut être le message du lieu : les choses se partagent, elle ne s’accaparent pas. La douce énergie donnée devient alors corne d’abondance et se multiplie là où le repli, l’avarice deviennent maigreur, deviennent aigreur.
Il en est ainsi et nous avons la sensation d’être au bon endroit malgré les courbatures, à suivre nos desseins originaux, la voie que l’on s'était fixés.
A l’aube de notre énième vendange, l'incertitude, toujours de mise, nous espérons un regain de récolte de cet été complotiste. Nous verrons bien en temps et en heure ce que nous réserve ce millésime. A la joie de la surprise mieux qu’à l’angoisse de l’avenir !
Alors que je clos par ces mots une tourterelle se pose sur la main courante de la terrasse, le chien guette, la brise est légère, les vignes ondulent au jour naissant, l’horizon est large, la journée commence...C’est un signe !