Crédit photo : Gerard Vidal, Christine Isarn, Charlotte Dubois.
C’est dans le fond assez cocasse ces idées qui germent dans la tête. On se demande souvent d’où cela peut bien venir. De la fugacité d’une rencontre, d’une lecture, d’une bribe observée la tête collée à la vitre du train. Des idées portées par le grand large assis sur la grève, inspirées par le vent dans la solitude des pas. Lorsque grisées par le vin les langues se délient et les instants se dilatent ou bien devant un esprit amical, un regard bienveillant dont la lumière rassure, elles jaillissent. On ne sait pas, cela reste un mystère lorsqu’une idée, une pensée traverse l’esprit au matin de notre propre étonnement et nous rend l’humeur légère et le monde avenant. Les aurores créent des instants suspendus où le temps semble éternel.
Ces pensées sans cesse qui viennent et qui vont en arborescence instinctive pour rebondir dans nos cervelles passée par le filtre qui de l' optimisme, de la paranoïa , de la naïveté, de l’indomptable ambition qui parfois perd les hommes ou bien de la mystérieuse foi. Nous avons cependant un peu la main sur les ondes passantes entre nos deux oreilles déjà, par le ‘’la’’ que nous donnons à notre partition intérieure et le bémol avec lequel nous calmons nos
impériosités caractérielles.
Et voilà que le printemps propice à tout cela pousse sa fièvre éruptive et fait pointer ses jonquilles. Les idées désengluées de leur hibernation passent leurs robes légères pour foncer se jeter à la rivière afin d’ exulter aux quatre vents et les envies d’évasion fleurissent en sarabande désordonnées.
L’envie de crier à la cantonade la vie qui pousse en nous avec la ferme intuition que la mécanique intérieure est mue par autre chose que des vis, des soupapes, des bielles, des boulons, des valves et des pistons. Rien de machinal dans cette arrière boutique si prompte à nous faire passer du rose au gris, du vert au rouge avec la dextérité d’un prestidigitateur si discret à se faire oublier. Libellules légères au gré du vent, croassements, hululements, fournis bosseuses, mantes pas si religieuse qui dévore son amant dans un fourmillement d’élégance primitive qui donne espoir dans l’avenir.
Et l’Homme qui se prenait pour une machine, l’orgueil si haut placé au paroxysme de son propre zénith, voulant racler la mise, assouvir son hubris se heurtera à la beauté du monde car le monde est beau avec ses hauts, avec ses bas et sa diversité et ses machines qui ne profitent pas à tous.
Et l’Homme éternel insatisfait, à l’instar de la grenouille de la fable, s’est mis dans la caboche de nous inféoder à nos écrans, de nous coller des puces qui ne démangent pas, de nous rendre supporter de notre propre déchéance, de supprimer tout réflexe primitif en gommant nos soi-disantes imperfections. Les défauts des uns ne sont que des qualités que les autres refusent.
L’homme qui se prenait pour une machine voulait même interférer nos consciences afin de nous ingurgiter la pensée idoine jusqu’à la lie. Nous faire courir au stade ultime du déraisonnable pour nous faire passer nos ambitions lorsque le printemps active en nous nos utopies. Buvons du vin qui étreint l’esprit en révélant le cœur et ripaillons à la table de nos illusions pour se changer soi-même et redevenir le phare de notre liberté. C’est le moment de l’année ou jamais de lancer au grand air nos idées dissidentes afin qu’elles ricochent dans la caisse d’une guitare, dans l’écho des consciences car la vie va vers la vie comme la laideur attire la mocheté. Et dire que l’Homme qui se prenait pour une machine ignorait l’existence même de tout cela et le pouvoir stabilisateur des autres.
Du haut de sa tour d'ivoire, l'homme qui se prenait pour une machine n’avait peut-être pas accès au bonheur quotidien, à l’odeur de la pluie, au rire d’un enfant, à la bienveillance d’un regard, à l’empathie qui vient avec les ans. Eut-il une enfance prostrée, battue, secoué, foulée, dédaignée, méprisée ou brisée pour ne ressentir que le besoin de dominer les autres sans pour autant s’y épancher.
On eut dit un personnage glauque de bande dessinée à agiter des épouvantails macabres sur la sécheresse de son désert intérieur. L’homme qui se prenait pour une machine victime d’une oxydation prématurée pourrira à la casse de ses propres fantasmes à moins que des oreilles trop attentives ne le prennent pour un avant-gardiste brillantissime et ne l’adoubent au pouvoir de leur propre existence.
On est tous parfois l’un, parfois l’autre dans nos balancements, jusqu’à balayer sous le tapis nos devoirs afin de paraître au-dessus de notre propre limite en excluant les autres sans qui rien n’est possible.
C’est curieux ces idées qui germent dans ma caboche paysanne. Un soupçon de misanthropie ne viendrait-il pas parasiter ma conscience à moins que le vent dans les vignes ne me souffle des fadaises biscornus que je confonds avec la liberté. Interrogations perpétuelles sur ces idées qui viennent et qui vont pour finir sur un bout de papier virtuel dans des textes un peu loufoques. On a jamais assez de recul sur soi-même pour préjuger de tout cela mais ma plume un tantinet poétique ressent une irrépressible envie de souligner tant de petites choses.
Laïus de printemps, comte dérisoire qui trouve de la réciprocité à vos lectures et me revient en étonnements, en questionnements, parfois en critiques constructives, en approbations, en désapprobations, plus rarement en invectives mais cela arrive.
Puis, faut bien l’avouer, un rien me rend joyeux et c’est déjà beaucoup car la joie fait éclore des petites histoires de rien du tout, des histoires de printemps, d’hommes, d’énergies et de les partager ne les rendra que plus fortes…
Considérons donc le subjectif et l'imagination comme réalité tangible et palpable et embrassons la vie… Et vive le printemps !