Dans la vie faut pas s’en faire....
Cinq cents soucis, mille tracas viennent user recurement nos existences. Nos métiers d’engagés de la terre ne sont pas épargnés par cette loi créée, évidemment tout spécialement, pour donner de l’apesanteur à nos envolées économiques et à notre épanouissement personnel. A moins que ce ne soit pour nous user et nous pousser aux vertus de la solidarité et du partage comme un fait exprès, une provocation de la vie qui s’amuse de nos postures.
La semaine entamée à peine que déjà abonde sur le quai de notre quotidien des tracas, des problèmes qu’il faut résoudre faute de quoi la marmite émotionnelle menacera d’imploser en ire incontrôlée et la colère rentrée dégoulinera en lave incandescente. Le premier quidam qui passera par là deviendra victime innocente de ce déferlement. A n’en pas douter si votre chère et tendre surgit à cet instant la vaisselle peut voler en éclat mais généralement votre intuition vous intime de calmer le jeu car le rapport de force devient dès lors désavantageux pour votre matricule.
Il y a des moments hors du temps, des situations, des pensées, des personnes qui ont le don d’arrêter l’avalanche émotionnelle d’un coup d’un seul et nous faire regretter l’instant d’après, l’instant d’avant. Montagnes russes émotionnelles devant un Everest d' emmerdements maximum qui deviendra colline la sérénité retrouvée puis, plaine une fois le recul nécessaire à notre intériorité recouvré. Pas d’ hâtives décisions pour venir solutionner mais de la distance et de la relativité. Dans la vie faut pas s’en faire. On trouve toujours un chemin à l’envers pour traverser hors les clous comme pour nous rapprocher de notre propre liberté que nous fuyons sans cesse pour écouter le bruissement de nos téléviseurs, le cancan alentour et céder à nos manipulateurs tapis dans l’ombre.
Il n’y a qu’à demander à notre intuition. Enfin, ce n’est pas si compliqué !
Il est vrai qu’à l’écart du monde il est plus facile de s’asseoir sur le bord pour observer la caravane. La poésie intérieure, la beauté de l’Art calment la mécanique de la pensée objective qui prend le dessus et jette au fond du puits nos illusions primitives. Recentrons nous sur l’essentiel.
Plus près de la nature, ici bas, nous, paysans, qui avons préempté le bon sens pour s’en faire un allié, voyons tout cela avec la relativité inhérente à nos professions. Si souvent empêtrés dans la glu des coups du sort et autres tracasseries de la vie qui jettent des bâtons dans les roues de nos bicyclettes déglinguées, nous avons atteint, me semble-t-il, une forme de fatalisme. Un laissé-courir de circonstance lorsque les ennuis entassés au-dessus de nos têtes font vibrer l’épée dangereusement. On se trouve toutes les raisons de ne pas s’en faire même si au fond l’on est un peu tendu. Face à l’adversité qui tombe en cascade, il ne reste plus qu’à faire appel à sa confiance comme une prière. A jeter son sort aux quatre vents pour qu'il rebondisse dans une conscience aimable. Sur le bord du précipice où chaque paysan est souvent allé flâner, on croise souvent une amitié, une empathie, une sagesse, une oreille qui passait par là. Ces choses-là, ça promène sa nostalgie tout en haut des falaises en regardant la mer. Peut-être pour sauver les gens.
Dans la vie faut pas s’en faire, surtout si on se laisse guider par son sacro-saint idéal qui est le langage du cœur et le voyage de l’âme. Faut pas s’en faire mais parfois il convient de se le répéter à marche forcée pour continuer le dessein entrepris lorsque la confiance en l’humain s’étiole à ce point qu’il semblerait que l’on ne fit plus société.
Dans la vie faut pas s’en faire car plus taraudés par la peur de l’échec que par l’échec lui même on avance à reculons là où là vie voudrait nous faire foncer. L’impression diffuse que la vie nous pousse vers nos absolus alors que nous retenons des quatre fers. Il doit bien exister un langage des choses auquel nous sommes sourds et fermés comme des huîtres. Il faut trouver l’astuce en nous qui décontractera la tension intérieure. Peut-être est-ce simplement l’honnêteté. Alors la vie s’en mêle pour nous faire comprendre et nous renvoie dans les cordes d’un uppercut dont elle a le talent. Et, à nous de ravaler notre salive, nos dents, notre sueur, notre bile, notre fierté tout de go pour nous flatter de nos échecs et avancer. Nos réussites ne sont in fine que des catalyseurs d’orgueil. Tout penaud nous apprenons des croche-pattes du parcours mais gonflons nos poitrines époumonées pour souffler sur les braises de l’apparence.
Dans le vie faut pas s’en faire, soyons tout simplement nous même et le souffle intérieur dégagé des gangues de l’ego nous réalignera. Et les esprits chagrins toujours enclins à un désespoir chronique ne pourront étancher notre soif d’aliéné. Et les esprits démoniaques et pervers ne pourront arrêter le flux de notre indignation, de notre joie de vivre, de notre jubilation.
Dans la vie faut pas s’en faire car la beauté du grand bazar vaut bien le coup d’être vécue, d’être bue jusqu'à la lie et les regards décalés inventent déjà un monde plus propice.
Dans la vie faut pas s’en faire, moi je m’en fais pas mais toutefois un petit peu car rattrapé par les strates accumulées d’années de risques insensés. De grosses bulles du tréfonds remontant à la surface du lac intérieur comme poussées par les soucis des générations disparues, les couteaux dans le dos, les faux monnayeurs fraternels, les escrocs congénitaux. Il y a toujours une page vierge à écrire, un espoir à creuser, une idée à allumer et une main à tendre. Et dans ces moments là j’appelle les copains, débouche en grand nombre des quilles, sort ma vieille guitare et chante faux mais avec le cœur... C’est déjà un instant de partage, une forme de vérité, une idée du bonheur. Dans la vie faut pas s’en faire car le vin est là pour recadrer les amitiés et rééquilibrer les esprits. Dans le sens.
A la votre !