Les touristes ont déserté les plages du Languedoc, certains profitant des derniers rayons arpentent encore l'arrière pays. Tout est plus calme, plus serein, même l'air, les visions ont changés pour laisser place à septembre majeur.
Septembre c'est une sorte de résurrection, une ré éclosion, un bis de la vie, une deuxième chance avant le déclin hivernal. On prends le temps, on le respire, on élargit l'horizon. Les premiers pétrichors automnaux poussent le vigneron vers l'intérieur et c'est tout naturellement qu'il rejoint sa cave un peu anxieux.
C'est le temps du recul, c'est le temps du vin, c'est le temps qu'il faut, le temps de la patience. Parce qu'il va en falloir du temps de la cueillette à la bouteille. Du temps que l'on ne peux réduire, du temps qu'il ne faut pas réduire. Le temps de la passion. Septembre majeur, comme une idée du bonheur.
C'est la joie de la récolte et la méditation au chai. C'est le rire au couchant autour d'une table les traits tirés, les dos fourbus. C'est l'intériorité du levant, des matins calmes à écouter le frissonnement des cuves, à saisir au vol une odeur volatile et subtile. Septembre majeur c'est les cinq sens en action et l'intuition en appui.
La porte de la cave grande ouverte pour recevoir le raisin. Du dedans on voit le dehors, le soleil se lever. C'est parfois beau à pleurer ces moments d'intimité avec ses cuves. Le reste de l'année le vigneron passe par la petite porte, confetti de la grande, en courbant l'échine, pour ne pas se cogner. En dehors de septembre on pénètre dans le chai en baissant la tête, la porte miniature rend humble, c'est un peu le contraire des ministères.
Les journées encore chaudes mouillent les fronts, les vignes récalcitrantes tordent les dos, les raisins maculent les mains d'un rouge lie de vin et les conversations allant grand train le matin s'estompent vers midi et ne reprendront qu'autour du repas où toutes les audaces sont à nouveau permises. Les soirs éthérés de flacons, saouls de soleil, remplis d'amitié comme autant de combattants nous tombons sous les assauts de la fatigue pour rejoindre épuisés nos pénates afin de recharger car demain est un nouveau jour, une nouvelle aventure. Le vin aide à dormir, le vin aide à rêver., le vin aide à créer.
C'est le temps du présent. Septembre majeur où l'on ne pense même plus au futur, ou l'on ne pense pas à hier. On vit au présent, on fait du vin, c'est notre vocation, notre unique ambition et pour nous y aider septembre arrête le temps et emporte avec lui les tracas usuels.
La soulenque repas traditionnel de fin de vendanges sonnera le glas d'un mois lumineux , de moments hors du temps faits d'humains, de raisins, d'ambitions mesurées, de jus devenant vins, d'éclats de rire, de cernes, de questionnements , de renoncements et d'étonnements.
Le mystère naît dans les cuves sous le regard protecteur du vigneron, du guide, du berger.
Vendanges 2019 à Cadablès.
PHILIPPE GIRARD 15/09/2019 15:44
Bernard 15/09/2019 20:29